Journée fédérale 2023

La transition alimentaire,
un enjeu de justice sociale pour les centres sociaux et EVS.

Aux origines de cette journée

En novembre 2021, nous lancions la précédente journée fédérale au lendemain de la COP26 et nous constations l’échec des organisations internationales à proposer des solutions concrètes et scientifiquement réalistes face à l’urgence climatique. Nous posions le constat que le système capitaliste dans lequel nous évoluons nuit à nos sociétés et à notre planète. Une fois qu’on a dit ça, on peut se poser la question : a-t-on réellement le choix de ne pas lutter contre ? Nous questionnions alors le rôle de l’action citoyenne face à ces enjeux, l’urgence de se saisir à bras-le-corps du sujet et la place des centres sociaux et espaces de vie sociale dans cette mise en action.

Nous nous sommes questionnés sur les termes employés : de développement durable à transition écologique, sociale, solidaire, populaire… Dans le but de construire un langage commun autour des enjeux environnementaux. Nous avons conclu que le constat du développement durable tel qu’il a été défini à l’origine – à savoir à la fin de la seconde guerre mondiale – dans l’idée de proposer un concept pour résoudre les inégalités au niveau mondial, ce constat est toujours d’actualité, mais les choses deviennent plus qu’urgentes. Tout ce qu’on a fait jusqu’ici n’a pas suffi, nous avons besoin d’une transformation rapide : nous ne sommes plus à l’heure des mots, nous sommes au temps de l’action.

Nous sommes toutes et tous conscients et conscientes que la crise écologique est un problème et que nous ne sommes pas égaux dans la manière de vivre cette crise, ni dans la manière d’être impactés par cette crise. Aujourd’hui, le temps de la sensibilisation est obsolète, mais comment agir ? Nous nous quittions sur un appel lancé à nos imaginaires en matière de transformation sociale.

Un sujet qui nous touche à différents niveaux

Lorsqu’il s’agit de réinventer nos pratiques, de transformer nos habitudes pour une la préservation de nos environnements, le chantier peut sembler insurmontable. Mais rechercher une neutralité dans l’absence de positionnement, c’est finalement se positionner en faveur du statu quo.

Peut-être qu’une solution est d’attraper ce chantier par petits bouts : quels sont les endroits sur lesquels on agit déjà ? Quels sont ceux où il y existe des envies d’agir, des savoir-faire sur lesquels s’appuyer ?

Cette question des transitions nous interroge chacun et chacune dans nos individualités. Au-delà de notre statut professionnel ou bénévole, elle vient nous questionner sur nos modes de vie individuels, personnels voire intimes. Nous décidons de poser ce constat de l’intime et nous vous proposons de penser cette question aussi en tant qu’individus, qui ne sont pas extérieurs aux grands enjeux que nous posons dans nos cadres de réflexions professionnels.

Il n’est pas simple de se poser la question : Où est ce que moi individuellement j’en suis ? Est-ce que je suis prêt à bouger, à perdre mes privilèges ? C’est à cet endroit que le collectif est indispensable pour se mettre en mouvement. Et le collectif, il traverse l’action des centres sociaux.

L’analyse des enjeux écologiques au regard des inégalités sociales montre que les 10% de français qui gagnent le moins n’émettent que 2,6 tonnes de CO2 chaque année, contre 25 tonnes pour les 10% de français aux plus hauts revenus, soit presque 10 fois plus.

Il existe déjà des savoir, savoir-être, savoir-faire populaires qui sont déjà dans une « sobriété écologique », par contrainte et sans le nommer ainsi. Un premier levier serait alors de conscientiser, de repérer et de valoriser ces pratiques populaires, mais aussi et surtout de demander des efforts différents aux plus riches et aux moins riches. Ces pratiques elles font déjà partie des centres sociaux.

Alors évidemment, les ultra-riches – ces 1% des plus riches de notre pays, la seule catégorie de français et françaises qui n’ont pas baissé leurs émissions de gaz à effet de serre sur les 30 dernières années, puisqu’elles ont même augmenté – on ne les croise pas dans les centres sociaux.

Lors de notre dernière journée fédérale, Aurélien Boutaud nous parlait de ce cas d’école très bien documenté, d’une société qui s’est mobilisée très rapidement pour transformer complètement son économie en très peu de temps : celui des Etats-Unis pendant la seconde Guerre Mondiale. En 2 ans, ils ont largement dépassé leurs objectifs de production qui paraissaient pourtant irréalistes :

  • En transformant complètement l’outil de production.
  • En battant leur record de taux d’imposition pendant cette période.
  • En mobilisant la société civile et en provoquant des transformations sociales.
    Par exemple, sur la question de l’alimentation : en tension sur les ressources, il fallait autoproduire autant que possible. Les jardins paysagers deviennent donc des jardins potagers (« Victory Gardens »).

Lorsqu’on organise une journée fédérale sur les transitions alimentaires, qu’on anime des débats ou que l’on programme des conférences gesticulées sur le rationnement carbone ou la sécurité sociale de l’alimentation, on touche à la troisième porte de notre centre social : la dimension d’intérêt général. On participe d’une transformation sociale.

Peut-être que nous pouvons acter le fait que pour penser nos capacités d’agir il est indispensable d’attraper la question des transitions par petits bouts, d’accepter que nous ne puissions peut-être pas agir sur tout en même temps. Et de prendre conscience que la richesse de notre action en tant que centres sociaux et espaces de vie sociale, réside dans notre capacité à relier les dimensions individuelles, collectives et l’intérêt général.

Ce que nous voulons, c’est prendre le sujet à bras le corps, faire évoluer nos postures, nos pratiques, c’est avoir envie et donner envie d’y aller !

Pourquoi la transition alimentaire

La question de l’alimentation est une question intime, qui peut venir toucher chacun et chacune dans son individualité, ses habitudes, ses convictions, ses croyances. C’est une question qui peut venir nous toucher de manière émotionnelle.

La prise en compte des émotions, les nôtres et celles des personnes avec qui nous travaillons, peut être un levier sur lequel nous appuyer pour déclencher l’envie d’agir. Parce que savoir accueillir et nommer nos émotions, cela nous permet de les utiliser. Nous pouvons ajuster notre réponse aux informations que nous recevons et aux changements que nous traversons. Nous pouvons noter que la joie comme la colère, sont deux émotions sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour nous mettre en action, en mouvement collectivement.

L’alimentation est aussi au cœur de nos pratiques collectives. Des ateliers cuisine aux moments conviviaux et informels autour de la nourriture, l’alimentation participe du lien social tel qu’il est travaillé dans les centres sociaux et les EVS : en se sentant appartenir à un groupe dans la convivialité d’un repas partagé, en partageant ses recettes pour une fête de quartier, en partageant des savoir-faire lors d’ateliers intergénérationnels.

Pour aborder cette question de l’alimentation, on peut prendre plusieurs angles d’approche :

  • Un angle « hygiéniste » : manger équilibré et bio, c’est meilleur pour la santé…
  • Un angle « moral » : il faut manger moins de viande car ce n’est pas bon pour la planète…
  • Un angle « culturel » : y a-t-il des habitudes alimentaires que l’on impose ? Quels produits retrouve-t-on dans les épiceries solidaires, dans les jardins, les paniers AMAP, les achats groupés ?

Et sur ce dernier point, finalement quelle analyse est-ce qu’on en tire ? Si habitudes alimentaires imposées il y a, de qui sont-elles les habitudes alimentaires ? Quelle lecture peut-on en faire en termes de rapports de dominations ?

  • Où se situe la norme des habitudes alimentaires en termes de classe ou d’origine, lorsqu’on ne propose que des paniers à base de panais et de betterave ?
  • Qu’est-ce que cela implique de proposer d’arrêter les produits transformés et de plus cuisiner : qui va cuisiner à la maison ? Est-ce une charge qui va retomber sur les femmes ?

Nous considérons enfin l’entrée de l’alimentation comme un objet concret pour aborder les transitions au sens large. Tout l’enjeu de cette journée était de trouver des moyens d’agir sur les crises écologique, économique et sociale, d’activer des leviers concrets et de construire de nouveaux récits.

Le Conseil d’Administration de la FCSI – 18 mars 2023

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